Il y a cinq ans jour pour jour, un vent formidable soufflait en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Partout les peuples, victimes d’une oppression sans borne, acculés à la misère pendant des décennies, ont brandi étendard de la révolte. Faisant preuve d’un courage inouï, ils ont osé affronter les dictatures autocratiques, sanguinaires et corrompues pour conquérir la liberté politique, la dignité et la justice sociale. Déjà la bourrasque populaire a emporté Ben Ali et Hosni Moubarak, autocrates tunisien et égyptien. Ces dictateurs autocrates et prédateurs, qui s’étaient incrustés au pouvoir à l’abri d’un appareil répressif puissant et pléthorique. Ils bénéficiaient du soutien matériel et politique des puissances impérialistes. Ils passaient pour inébranlables mais ils n’ont pas résisté devant la tourmente populaire. Aujourd’hui, Ben Ali est en fuite, réfugié en Arabie Saoudite, et Hosni Moubarak est prisonnier en Egypte. Tous deux sont l’objet de procès et doivent rendre compte devant la justice de leur pays.
L’exemple tunisien et égyptien a sans aucun doute galvanisé les autres peuples, en particulier les peuples arabes. Ils osent engager eux aussi la lutte pour la satisfaction de leurs aspirations légitimes. Pour l’instant, il n’est pas possible d'augurer une issue de ces luttes que nous saluons par ailleurs. Mais d’ores et déjà nous pouvons en tirer des enseignements forts utiles. En effet, en Afrique subsaharienne et en particulier au Togo, les peuples et les démocrates ont suivi avec admiration la grandiose victoire des peuples tunisien et égyptien. Ils ont salué avec enthousiasme la chute des tyrans Ben Ali et Hosni Moubarak, mais ils n’en sont pas restés là. Ces victoires ont également suscité des interrogations, et la plus courante de ces interrogations c’est de savoir si de tels événements sont également possibles chez-nous en d’autres termes, si nous pourrons nous aussi en finir avec nos dictatures.
Nous pensons pour notre part, qu’il serait plus pertinent de nous demander pourquoi nos propres luttes n’ont pas abouti à l'évition de nos autocrates ? Et pourquoi ceux-ci sont toujours en place ? Car on a tendance à oublier que dans les années 1990, de nombreux pays en Afrique subsaharienne ont connu des soulèvements populaires. Ils n’ont rien à envier en ampleur et en intensité, à ceux auxquels nous venons d’assister en Tunisie et en Egypte. C’est le cas de notre pays, avec le mouvement insurrectionnel populaire commencé le 5 octobre 1990 à Lomé, et qui a fini par embraser le territoire national tout entier.
Qui ne se souvient en effet, de ces commissariats désertés ou en flammes, des statues déboulonnées, de ces préfets en fuite, désertant leur poste devant la déferlant populaire ? C’était simplement incroyable ! Or, malgré tout cela, malgré les lourds sacrifices consentis par notre peuple, Eyadéma a réussi à demeurer au pouvoir jusqu’à sa mort, et son fils Faure Gnassinbgé s’est même permis d’y accéder à son tour. Comment expliquer un tel résultat ? Prétendre que c’est parce que Ben Ali et Hosni Moubarak auraient été des dictateurs moins redoutables qu’Eyadma, ce serait nier la réalité et faire injure aux peuples tunisien et égyptien. La véritable explication tient dans l’orientation des luttes. Les peuples tunisiens et égyptiens en effet, ont suivi dans leur lutte la seule voix juste, parce que éprouvée par l’expérience de lutte des peuples et du mouvement démocratique mondial alors que c’est le contraire qui s’est passé chez nous. En effet, Les peuples tunisien et égyptien étaient animés par la certitude qu’aucun changement n’est possible sans l’éviction préalable de leurs autocrates et sans le démantèlement de leurs systèmes autocratiques. C’est cette certitude qui les avait amené à adopter comme revendication un mot d’ordre tout simple mais fort significatif: «Dégage !».
Ils s’en sont tenus jusqu’au bout à ce mot d’ordre, même quand les dictateurs, après avoir vainement tenté de les intimider par des menaces et par la répression, ont cherché à les amadouer en multipliant des promesses d’ouverture et de réforme (promesse de libéralisation de la presse, de non renouvellement du mandat présidentiel..). Tout simplement parce que les peuples tunisien et égyptien n’ont jamais cru à un quelconque changement par la conciliation et la négociation avec le système dictatorial. Pour cette raison, il n’a jamais été question de dialogue avec les autocrates ; il n’a jamais été question de «conférence nationale souveraine», de table ronde, de facilitateurs! Etc.
Par ailleurs, les peuples tunisien et égyptien se sont convaincus que c’est de leur propre lutte que peut venir la démocratie et leur salut. Ils ont conscience qu’ils n’ont rien à attendre d’une bienveillante intervention de puissances étrangères. C’est donc en leur propre sein, qu’ils ont recherché et trouvé le ressort et les moyens nécessaires pour précipiter la chute de leurs tyrans. Il ne fait aucun doute que c’est après avoir chassé Ben Ali et Hosni Moubarak du pouvoir qu’ils ont pu les traduire en justice pour être condamnés pour leur politique de répression, anti-populaire et leurs pratiques de pillage et de détournement des biens du pays. Tout cela n’aurait jamais été possible si ces dictateurs étaient restés en place.
Bruxelles, le 11 janvier 2016
Le Front des Organisations Démocratiques Togolaises en Exil
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