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KANLENTO-AVULETE "vaillant combattant, nous devons lutter"
8 décembre 2011

LES CONDITIONS QUI SOUS-TENDENT DES ÉLECTIONS

 
 
LES CONDITIONS QUI SOUS-TENDENT DES ÉLECTIONS DÉMOCRATIQUES AU TOGO EN TANT QUE FACTEUR DE PAIX DURABLE 

 


INTRODUCTION

Les élections démocratiques en Afrique relèvent le plus souvent du vœu pieux: la norme que les régimes antidémocratiques imposent à leur peuple est un mélange de mascarade et de tragi-comédie sur fond de répressions sanglantes, d’exodes massifs des populations, d’affrontements tribaux et de chasses à l’homme dont les démocrates, les opposants et les défenseurs des droits humains sont les cibles. Dans beaucoup d’États, l’adhésion à la démocratie est une ruse vulgaire des régimes autocratiques militaires ou civils des anciens partis uniques ou des anciens opposants soi-disant démocrates ayant accédé au pouvoir, pour satisfaire à certaines normes politiques et conditionnalités financières internationales avec la complicité passive ou active des États démocratiques occidentaux, éternels donneurs de leçons de démocratie. L’incapacité des dirigeants adeptes de la démocrature - c’est-à-dire une dictature qui se cache sous l’apparence d’institutions démocratiques - à respecter les lois qu’ils se sont eux-mêmes donné, explique les paradoxes politiques d’un continent qui est devenu, à son corps défendant, un laboratoire de l’anti-démocratie et du fascisme tropicalisé des Guides et autres Timoniers et tout récemment de leurs rejetons, les «babies présidents» au pouvoir.

La théorie n’est jamais plus éclairante que lorsqu’elle se base sur des exemples concrets comme nous allons le faire en les prenant au Togo en particulier et en Afrique en général en guise d’illustrations de nos propos. Nous ne pouvons ignorer le contexte sociopolitique propre à chaque pays pour comprendre les difficultés à asseoir la démocratie et organiser des élections crédibles.

Pour faire comprendre à quel point de tels régimes criminogènes constituent un grave danger pour les peuples qu’ils ont pris en otage, nous allons articuler notre raisonnement autour des points suivants: 1) consensus ou imposition de la démocratie, 2) un système électoral vicié, 3) des menaces pour la paix et le développement.

1. CONSENSUS OU IMPOSITION DE LA DÉMOCRATIE

La démocratie est un régime politique qui a la particularité de fixer ses propres limites dans la loi à travers une constitution, les conditions d’accession au pouvoir par le suffrage des citoyens et le vivre-ensemble par l’égalité de tous devant la loi. Les dirigeants et les institutions caractérisées par leur indépendance sont les garants de la loi. C’est dire le rôle capital que jouent la justice et donc les institutions d’arbitrage des élections dans le régime démocratique.

Dans les États où la démocratie n’est pas le fruit d’un consensus mais d’une imposition alors que les tenants de l’ancien régime n’ont pas désarmé, le processus démocratique est parfois des plus chaotiques et se signale par une longue traînée de sang et d’indicibles souffrances pour des peuples martyrs face à des bourreaux psychopathes d’une rare cruauté. En effet, qui dit consensus dit acceptation d’une même règle du jeu. C’est comme un match de football qui verrait s’affronter deux équipes dont chacune obéirait à une règle différente et dont l’arbitre, de surcroît, serait un joueur de l’une des équipes, celle du pouvoir opposée à celle de l’opposition. Imaginez le résultat du match dans tous les cas de figures!

Les créateurs de la démocratie ont compris très tôt que le pouvoir donné aux citoyens d’élire les dirigeants de leur choix dans une compétition équitable et transparente, est non seulement une expression de la souveraineté du peuple qui est son propre maître mais aussi une soupape de sûreté qui lui permet de vider ses frustrations pacifiquement au lieu de recourir aux coups d’État et aux rébellions contre le système dont il n’aurait pas la possibilité de changer les dirigeants qui lui déplaisent à travers le vote démocratique. Changer les dirigeants, n’est pas changer le système. Voter aux élections et participer aux affaires de la cité sont des formes d’expression de la citoyenneté qui depuis la révolution française, font du citoyen un acteur de son histoire et non plus le spectateur passif de cette histoire.

Si nous prenons le cas du Togo, qui est un cas d’école, la mère des lois, la constitution, est systématiquement bafouée par la dictature militaire au pouvoir depuis 1967. Elle n’est évoquée que lorsqu’elle arrange les intérêts de l’équipe dirigeante arcboutée sur des méthodes rétrogrades d’une autre époque. La seule différence réside dans le passage d’une dictature monopartisane à une dictature qui tolère le multipartisme pour s’octroyer une fausse légitimité démocratique. Et pourtant les Togolais savent tous aujourd’hui que le multipartisme n’est pas la démocratie.

En réalité, quel sens peuvent avoir des élections organisées par une dictature qui se maintient au pouvoir de façon illégale à la force du fusil? Que valent des bulletins de vote face aux fusils qui décident du vainqueur d’une élection présidentielle? Lorsque les élections deviennent une formalité, un prétexte pour légitimer un régime illégitime quels que soient les résultats sortis des urnes, l’on est en droit de se poser des questions et de trouver les bonnes réponses. Or si la crise, provoquée par le blocage du processus démocratique par la dictature militaire dont le Rassemblement du Peuple Togolais n’est que la branche civile, perdure au Togo, cela est dû aux mauvaises réponses des politiciens de l’opposition davantage mus par l’opportunisme que par l’intérêt du peuple.

Il ne faut pas tomber dans l’angélisme, un système politique, quel qu’il soit, peut être imposé par la force. Les démocraties les plus illustres que nous connaissons sont apparues après de longues et âpres guerres civiles comme ce fut le cas en France, en Grande Bretagne et aux États-Unis d’Amérique qui ont éliminé d’anciens régimes rétrogrades comme l’absolutisme monarchique, le servage, la colonisation et l’esclavage. Dès que les rapports de force ont changé et que le système démocratique est accepté, le droit doit être le fondement de la règle du jeu. Si nous observons dans certaines démocraties que des chefs d’État, des premiers ministres et des ministres sont convoqués devant les tribunaux pour y être jugés pour corruption ou forfaiture, c’est parce que force reste à la loi dans tous les cas.

Au Togo, la corruption des dirigeants bat tous les records et pourtant, aucun n’a jamais été présenté devant les tribunaux et aucun procureur n’osera jamais le faire s’il ne reçoit l’ordre exprès du chef du pouvoir exécutif. L’ONU et Transparency International ont organisé, en vain, avec le premier ministre du gouvernement, en juin 2008, un atelier pour la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la Corruption. En effet, selon le rapport annuel de l’organisation anticorruption Transparency International, le Togo a été classé 111e/180 parmi les pays les plus corrompus et en 2010, 134e/178, c’est-à-dire qu’il a fait partie des 44 pays les plus corrompus au monde! Dans ce cas de figure, la justice est utilisée comme instrument de règlement de comptes pour écarter un citoyen auquel on en veut ou un politicien devenu gênant pour le régime en place. La Commission Nationale de lutte contre la Corruption et le Sabotage Économique mise en place par le régime Eyadema, en est la parfaite illustration: les grands voleurs de la république ont l’impunité tandis que les inquisiteurs titillent le menu fretin tout en violant le code pénal et les droits de l’Homme à travers des incarcérations arbitraires!

En disant cela, nous ne nous éloignons pas de notre sujet. La formule suivante peut résumer la situation: «Dis-moi comment fonctionne le droit dans ton pays et je te dirai quel type d’élection tu organises».

Lorsque, en 1991-1992, les constituants ont introduit dans la nouvelle constitution de l’ère démocratique le verrou du second mandat présidentiel, c’est-à-dire que le chef de l’État élu n’est pas autorisé à se présenter à plus de deux mandats de cinq ans, c’était en connaissance de cause, compte tenu d’un passé politique traumatisant qui avait vu un individu confisquer le pouvoir pendant plus de vingt-quatre ans avec l’espoir d’y demeurer à vie. Ce qui fut le cas puisque le dictateur est mort dans son lit après trente-huit ans d’un règne sanguinaire et liberticide. La république fut même dévoyée puisqu’il fit offrir le pouvoir à l’un de ses fils par le clan Gnassingbe et l’état-major de l’armée comme dans une monarchie héréditaire. Politiquement, la régression renforçait le régime féodal dans lequel le monarque n’a soi-disant de comptes à rendre qu’à Dieu dont il tient sa légitimité. Eyadema n’a-t-il pas toujours dit: «Si ce que je fais est mal, que Dieu m’arrête!»? Dieu et non pas le peuple ou les institutions!

La situation paradoxale du Togo est des plus curieuses: ce sont des antidémocrates notoires nourris à la mamelle du parti unique et de la dictature militaire qui prétendent piloter une démocratie. La démocratie est d’abord une affaire de démocrates. C’est une conviction que l’on doit défendre et respecter. L’on ne bâtira pas de démocratie sans démocrates. De la démocratie, nous avons une caricature grossière, bouffonne et corrompue.

La culture de l’impunité instaurée par le régime dynastique sape les fondements du droit et transforme le Togo en un État mafieux qui œuvre à la paupérisation du peuple. L’organisation de la corruption par le pouvoir, qui permet aux policiers, gendarmes, militaires, magistrats et autres fonctionnaires véreux de rançonner impunément la population, n’offre aucun recours aux victimes des rackets. Seuls les commerçants ont la possibilité de répercuter les frais du racket sur le coût de leurs marchandises aux dépens des pauvres citoyens qui en deviennent les victimes collatérales par la réduction drastique de leur pouvoir d’achat.

La démocratie qui s’installe dans l’impunité, le déni du droit et la misère généralisée s’expose aux pires dangers. La bonne qualité de la gouvernance sociale et économique est inséparable de la démocratie soucieuse d’une équitable redistribution des richesses. C’est à cet aspect de la gouvernance que le peuple est le plus sensible. Les dirigeants fascistes le savent très bien qui décident de voler ses suffrages lors des joutes électorales pour ne pas être sanctionnés. C’est dire qu’ils estiment toujours ne pas avoir de comptes à rendre au peuple. Cette attitude ne dure que tant que les fusils servent de béquilles au pouvoir en place dont les affidés maîtrisent tout le système électoral et par conséquent l’organisation d’élections frauduleuses.

2. UN SYSTÈME ÉLECTORAL VICIÉ

Faire une politique qui refuse la démocratie, suppose la mise en place d’une organisation bien rôdée pour faire face avec efficacité aux échéances électorales perçues par les antidémocrates comme des dangers pour leur pouvoir usurpé. Que les périodes électorales soient des moments de manifestations politiques, de violence et de violations massives et répétées des droits de l’Homme, ne constituent pas une surprise pour l’observateur averti.

Après avoir testé le système électoral démocratique et perçu le pouvoir énorme qu’ont les électeurs de sanctionner les gouvernants, les ennemis de la démocratie ont décidé de travestir le système pour en truquer les résultats.

Depuis 1993, date de la première élection présidentielle pluraliste, face aux contre-mesures de l’opposition qui a vite fini par comprendre le mécanisme des fraudes électorales, le régime a essentiellement focalisé sa stratégie autour de deux fonctions, à ses yeux, capitales dans le système de contrôle et de proclamation des résultats. Il s’agit d’avoir à sa botte des individus pour présider la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et la Cour Constitutionnelle. L’une proclame des résultats truqués et l’autre les valide. Qui ne se souvient du triste sire, président de la Cour Constitutionnelle de la Côte d’Ivoire, qui valida d’abord la fraude du dictateur Laurent Gbagbo pour ensuite valider l’élection de son opposant Lassana Ouattara après la chute du despote? Comment un juriste digne de ce nom peut-il justifier cette forfaiture? C’est dire le peu de crédit que peut avoir une justice instrumentalisée grâce au bon vouloir de magistrats corrompus et indignes dont la vraie place est en prison. La prévarication du petit juge ivoirien a valu plus de trois mille morts à son pays.

Au Togo, le 26 avril 2005, dès la proclamation des résultats fantaisistes du putsch électoral de Faure Gnassingbe, tout le pays s’enflamma d’indignation et de rage. Selon le rapport de la mission d’établissement des faits de l’Organisation des Nations Unies, présidée par le Sénégalais Doudou Diène, qui vint au Togo, à la demande de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme, l’état-major des Forces Armées Togolaises (FAT) renforça de deux mille militaires les milices du RPT, le parti au pouvoir, face aux milices de l’opposition. En 2005, pendant l’élection présidentielle togolaise, un film est passé en boucle sur toutes les télévisions et les sites internet du monde entier montrant un militaire togolais qui piquait un cent mètres olympique, une urne volée dans un bureau du quartier Bè, sous un bras!

Au Togo, les Forces Armées Togolaises demeurent un acteur majeur de la politique et des processus électoraux. Ses dirigeants perçoivent le vote libre des électeurs comme une atteinte à leur pouvoir usurpé, donc à leurs privilèges. À chaque élection organisée au Togo, des militaires se transforment en agents électoraux du parti au pouvoir ou du dictateur. Ils collent des affiches, battent campagne, utilisent le matériel roulant de l’armée pour transporter le bétail électoral, intimident les militants de l’opposition, empêchent la tenue de leurs meetings et les violentent en toute impunité. Les domiciles de certains officiers sont transformés en quartiers généraux de campagne du RPT. Dans ces conditions, la neutralité de l’armée n’a plus aucun sens. C’est un non-sens!

La compétition électorale effraie tous ceux qui ont peur de la démocratie. La compétition pour eux signifie affrontement les armes à la main. Tous les coups sont permis pour demeurer au pouvoir par tous les moyens, à tout prix!

Les populations togolaises qui vivent d’habitude en bonne intelligence, sont manipulées, embrigadées, intimidées par les mots d’ordre tribalistes qui fusent du côté du pouvoir et du côté de l’opposition. L’on fait croire aux uns que leur survie physique et économique dépend de la présence d’untel au pouvoir ou à l’assemblée nationale; aux autres dont les frustrations sont exacerbées à dessein, l’on fait croire que demain on rasera gratis lorsque leur tour sera venu d’occuper le pouvoir. Les politiciens de tous bords créent une atmosphère de vendetta peu propice à la paix et à l’avènement d’une nation au sein de l’État togolais. Point de programme dans les campagnes électorales. Rien que du dénigrement et des intimidations.

Les partis politiques, au lieu de faire de l’éducation à la démocratie en faveur de leurs militants, cultivent plutôt le clientélisme sur fond de rumeurs et de mythes visant à disqualifier les adversaires et déifier des leaders charismatiques. Même dans les bureaux de vote, il arrive que les délégués de l’opposition ne comprennent pas bien le processus de vote. Souvent, faute de vrais militants aguerris, ils recourent aux premiers venus contre des promesses de per diem. Le résultat ne se fait pas attendre: achat des délégués, incompétence, complicité de fraude. Il n’est pas rare que des partis qui ont pourtant des délégués dans des bureaux de vote aient zéro voix dans ces bureaux-là parce que leurs propres délégués n’ont pas voté pour eux! C’est le prix du clientélisme.

La culture démocratique pâtit de la course au pouvoir qui se moque de l’éducation civique du peuple. La démocratie interne au niveau des partis connaît souvent un grave déficit. C’est toujours le président-propriétaire qui a raison même quand il a tort. Le parti est son fonds de commerce. Ce qui importe, ce ne sont pas les débats mais l’opinion et l’humeur du président-propriétaire. Et gare au membre de l’organe dirigeant qui l’oublie! Il se fait vertement rappeler à l’ordre. Dans les organes dirigeants, c’est aussi le clientélisme qui prévaut autour du leader. Ceux qui ont des idées et les expriment sont parfois marginalisés voire écartés. C’est l’omerta! La loi du silence! Certaines élections internes sont entachées de magouilles et les délais de renouvellement des instances dirigeantes ne sont pas respectés, non par faute de moyens, mais par pur opportunisme lié aux humeurs capricieuses du cher leader.

Les antidémocrates se recrutent aussi au sein de l’opposition même quand elle se prétend démocratique. L’absence de culture démocratique renforce les tares du système électoral togolais à plusieurs niveaux:
- Le fichier électoral: il n’est pas fiable faute de recensements périodiques de la population et du sabotage délibéré dont il fait l’objet. Le nom d’un électeur d’un bureau de vote peut être transféré dans un bureau se trouvant à une dizaine de kilomètres de son domicile: il ne le saura jamais et ne pourra donc pas voter. Il n’est pas rare de constater dans certaines zones, que la liste des électeurs dépasse celle de toute la population. Elle doit en principe être mise au jour chaque année pour intégrer les jeunes électeurs ayant l’âge de voter et radier les morts en cas d’élection surprise liée au décès ou à la démission du chef de l’État ou à la dissolution anticipée du parlement. Par exemple, lors des législatives du 14 octobre 2007, le fichier électoral ne présentait aucune garantie de fiabilité, même si les efforts de l’opposition ont mis en évidence un gonflement exagéré du fichier qui recensait 3600000 électeurs pour la présidentielle de 2005. Deux ans plus tard donc, le même fichier contenait 2975000 électeurs pour les législatives. Ce qui signifie que le système de fraude du régime militaire avait ajouté 700000 électeurs fictifs pour l’élection présidentielle sanglante et frauduleuse du 24 avril 2005;
- le bulletin de vote: en raison de l’achat des bulletins de vote des adversaires, que l’électeur acheté ou menacé ne doit pas introduire dans l’urne, par les candidats aux élections, la parade la plus sûre en la matière est le bulletin de vote unique sur lequel figurent les noms et les logos de tous les candidats que la plupart des États africains ont fini par adopter. Il doit être maintenu en attendant le vote électronique en usage dans certains pays occidentaux et qui permet de proclamer les résultats quelques heures après la fermeture des bureaux de vote.
- le mode de scrutin: le mode de scrutin à deux tours propre au régime semi-présidentiel copié sur le modèle français, a été modifié unilatéralement par le parlement RPT par pur opportunisme, le régime étant conscient d’être très minoritaire dans l’opinion. L’absence de référendum confirme la ruse d’un pouvoir dont l’existence repose entièrement sur la force et l’arbitraire.
- la composition de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI):la composition de l’organe chargé d’organiser les élections donne lieu à des querelles et des frustrations en raison de son déséquilibre en faveur du pouvoir. Il pourrait l’être aussi en faveur de l’opposition. Les choses deviennent encore plus compliquées lorsqu’il y a des coalitions de partis en présence de part et d’autre: chacun veut sa part alors que le nombre de places est limité. Au final, certains partis ou courants ne sont pas représentés ou si peu, ce qui provoque des accusations de fraudes et de magouilles. Or il se fait que c’est en raison du manque de confiance entre les protagonistes de la joute électorale où le présumé vainqueur est presque toujours accusé de vol, que chacun tient à être présent pour surveiller les opérations de près. La collaboration au sein de la commission tourne souvent à l’affrontement voire au retrait de certains représentants de partis ou de courants. Même au niveau de la collecte des résultats et de la validité de certains bulletins de vote, la mésentente est totale, car l’un des camps se trouve défavorisé par leur annulation ou leur validation. C’est inévitable parce que des joueurs sont transformés en arbitres! Chacun cherchant à tirer la couverture à soi, la parité (qui est souvent une fausse parité à cause des partis charnières) révèle toute son iniquité. Eu égard aux dysfonctionnements liés à la composition paritaire et à la présence des politiciens comme arbitres d’une compétition politique, le bon sens impose que les membres de la CENI soient choisis en dehors des partis politiques parmi des citoyens honnêtes non affiliés à des partis politiques.
- la Cour Constitutionnelle: eu égard à la corruption de l’appareil judiciaire et son instrumentalisation par le pouvoir, cette haute juridiction dont les décisions sont sans appel, se situe au sommet du mécanisme des magouilles. Ce sont les résultats frauduleux et fantaisistes qu’elle proclame en faveur du candidat et du parti au pouvoir qui enflamment le pays. La partialité des juges de cette institution ne lui confère aucun crédit auprès de la population. Elle fonctionne comme un appendice du parti au pouvoir et ce d’autant plus que plusieurs de ses membres ont occupé des postes politiques élevés dans le régime et sont connus pour leur hostilité à la démocratie. Du fait même de leur appartenance politique, il leur est difficile de déplaire au pouvoir auquel ils doivent tout et qui les a choisis, car ce serait à leurs risques et péril. Par conséquent, les membres de la Cour Constitutionnelle ne doivent pas être choisis ni par le chef de l’État ni par l’Assemblée Nationale mais exclusivement par leurs pairs magistrats en raison de leur compétence et de leur probité. 
- l’impunité des fraudeurs: les auteurs de dépassement de la limite des frais de campagne (souvent les candidats du pouvoir), des bourrages d’urnes, de votes multiples, de falsifications, d’achats de conscience (le riz Faure en 2010), de menaces, d’intimidations, de violence, de vandalisme, d’atteinte au droit de vote et de malversations diverses n’ont jamais été inquiétés même lorsqu’ils sont arrêtés par des électeurs et livrés à la police. Les juges de la Cour Constitutionnelle qui valident les fraudes électorales par esprit partisan n’ont jamais été déchus et traduits en justice. La culture de l’impunité est incompatible avec la sincérité des élections démocratiques. L’éducation à la culture démocratique ne peut se faire sans sanction. Il n’y a pas d’éducation sans sanction.

Voici ce que la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) et la Délégation de l’Union Européenne au Togo écrivaient dans leur rapport respectif [1] sur l’élection présidentielle du 24 avril 2005:

«Le déroulement du scrutin du 24 avril 2005 Le 24 avril 2005, les électeurs se sont mobilisés pour accomplir leur devoir de citoyen. Sur l’ensemble du territoire national, la mobilisation est partout la même, en témoignent les longues files d’attente devant les bureaux de vote. Mais très tôt, des problèmes surgissent.
En effet, avant même l’ouverture de certains bureaux de vote à Lomé, et ailleurs à l’intérieur du pays, des électeurs démasquent des urnes bourrées d’avance, notamment au centre de vote du Collège Protestant, au CEG des Étoiles, à Tokoin Solidarité de Lomé, etc.
À l’intérieur du pays et plus précisément à Kougnohou, dans la sous-préfecture d’Akébou, des urnes bourrées d’avance ont été retrouvées chez des enseignants et saisies par des électeurs, ensuite confiées au Lieutenant des FOSEP (Forces de Sécurité de l’Élection Présidentielle) de la localité. Par ailleurs, les Présidents de bureaux de vote ont refusé aux électeurs nouvellement inscrits lors des opérations de révision des listes électorales de voter «pour absence de registres d’émargement»; ceci avait provoqué de vives protestations de la part de tous les électeurs du centre, ce fut le cas, entre autres, dans les bureaux de vote de Tokoin Doumassessé, du Collège Protestant de Lomé (avec 14 bureaux de vote). 
Dans la préfecture de l’Oti, plus précisément dans la ville de Mango, des incidents ont émaillé le scrutin à cause du bourrage systématique de plusieurs urnes qui ont été démasqués par les populations qui ont vivement protesté contre ces fraudes.
Au cours des opérations de vote, certains individus ont été appréhendés pour votes multiples en violation de l’article 147 du code électoral. Ils ont été confiés à la police.
Au quartier des Étoiles dans la commune de Lomé, des militants du RPT (le parti au pouvoir), identifiés comme tels par les électeurs, ont été molestés pour avoir entassé dans un des bureaux de vote, des cartes d’électeurs. 
Nombre d’électeurs ont été surpris, après avoir voté, de constater que leur case d’émargement a été déjà signée par d’autres personnes à leur place.

D’après les témoignages reçus auprès des électeurs, voici les principales irrégularités: - existence de bureaux de vote sans localisation physique, c’est-à-dire définis juste par un nom de ville ou de quartier;
- surplus de bureaux de vote par numérotation «erronée» à dessein;
- ouverture des bureaux de vote avant l’heure légale de 6 H 30 dans les localités réputées proches du pouvoir RPT;
- refus d’accès aux bureaux de vote de certains délégués de la coalition de 6 partis de l’opposition (ADDI, CAR, CPDA, PSR, UFC, UDS-Togo);
- distribution de bulletins uniques pré-votés.
- gonflement des inscrits du fait des bourrages massifs d’urnes;
- distribution des cartes d’électeur sur place;
- refus de donner des copies des fiches de résultats aux délégués de la coalition de 6 partis politiques de l’opposition;
- renvoi des délégués de l’opposition avant le dépouillement;
- enlèvement ou destruction des urnes;
- émargement à la place d’électeurs fictifs.

Le Rapport confidentiel de la Délégation de l’Union européenne au Togo, les 27 et 28 avril 2005 confirme cet état de chose:
«L’analyse des données sur les listes électorales et l’observation menée à petite échelle par des missions diplomatiques à Lomé et en province, conduisent à constater de nombreuses irrégularités et à renforcer les présomptions de fraudes massives. Les observations faites par le personnel des missions diplomatiques et du PNUD le jour du scrutin ont conduit à confirmer l’absence de fiabilité des listes électorales, à mettre à jour un système, semble-t-il, généralisé de faux bulletins réimprimés en faveur de candidat Faure Gnassingbe et à confirmer de nombreux cas d’enlèvements d’urnes par les militaires au moment du dépouillement (image passées sur la chaîne de télévision TV5), dans la préfecture de Tandjouaré 15 urnes sur 87 ont été saisies par les militaires). 
Par ailleurs dans de nombreux cas, les représentants des candidats d’opposition ont été exclus des bureaux de vote et des opérations de dépouillement ». 

Dans l’après-midi, après 16 heures, avant la fermeture des bureaux de vote pour les opérations de dépouillement, les réseaux téléphoniques et systèmes de connexion Internet ont été coupés. La communication n’était plus possible sur l’ensemble du territoire national.»

Il va sans dire que tous ces dérèglements qui prennent une importance capitale dans le système électoral, constituent des menaces graves pour le pays.

3. DES MENACES POUR LA PAIX ET LE DÉVELOPPEMENT

En 1991-1992, le Haut Conseil de la République (HCR), le parlement de la période de transition, prenant en compte l’expérience du vécu politique des Togolais qui ont eu à subir, contre leur gré, le règne interminable d’un dictateur et les multiples coups de force pour le déloger d’un pouvoir illégitime, ont pris la décision sage de limiter le mandat présidentiel à deux. Ceci dans le souci d’empêcher les longs règnes qui incitent à la confiscation du pouvoir et les coups d’État qui sont leur lot, sans parler des révoltes du peuple opprimé noyées dans le sang.

La limitation du mandat présidentiel visait à préserver la paix sociale tout en décrispant la vie politique. Il fallait que les présidents de la république élus pussent comprendre et accepter qu’il y a une vie de respect, de dignité et de reconnaissance après leur présidence au service du pays dans les régimes démocratiques.

En prenant la lourde responsabilité, par intérêt personnel et égoïsme, de faire sauter le verrou du second mandat, avant la présidentielle de 2003, le président Gnassingbe Eyadema a, de la sorte, manifesté son refus de la démocratie malgré le fait d’avoir juré publiquement en prenant le président français Jacques Chirac, en visite au Togo, à témoin, qu’il ne resterait pas une seule minute de plus au pouvoir après la fin de son deuxième mandat. «Parole de militaire!» a-t-il proclamé pour souligner sa bonne foi. Chaque citoyen de ce pays a pu constater par lui-même, plus tard, ce que valait la parole d’un militaire: une promesse d’ivrogne.

Je me refuse à croire que la politique ne soit que le terrain des jeux pervers de voyous et d’individus sans foi ni loi. La politique peut être autre chose lorsqu’elle est bien encadrée par la loi et des institutions qui fonctionnent dans l’esprit de la loi avec des hommes et des femmes honnêtes. Tant que la politique demeurera le lieu clos des combines et de l’enrichissement illicite sans reddition de comptes et sans transparence des voleurs de la république, elle restera l’apanage d’une mafia politico-administrative qui percevra toujours des élections transparentes et honnêtes comme une menace pour leurs intérêts mafieux et surtout leur impunité.

L’État dans lequel la justice ne fonctionne pas, expose les citoyens à nier la force de la loi et à s’adonner à la vengeance; tout le contraire de l’État de droit. L’arrestation des voleurs donne souvent lieu dans nos villes et campagnes à une justice populaire expéditive. Les citoyens ne faisant ni confiance à la police ni aux juges, tous qualifiés à tort ou à raison, par eux, indistinctement de corrompus. Cette justice populaire n’est pas une justice mais une sinistre vengeance. Sur le plan politique, nombreux sont les Togolais qui jurent que le jour où le régime militaire dictatorial sera renversé, chose que la population souhaite ardemment, ils s’adonneront à d’horribles règlements de comptes. Autrement dit, un retour à l’état d’anomie, à la barbarie.

Sur le continent africain et particulièrement au Togo, les classes déshéritées grossissent de manière inquiétante faute d’emplois ou de salaires qui leur garantissent le minimum pour leur survie. Ce sont les représentants des déshérités qui sont sur le front de toutes les manifestations politiques ou sociales. La violence est pour eux un exutoire, car ils n’ont rien à perdre et tout à gagner parce qu’ils sont au fond du trou. Ils subissent, en ruminant leur vengeance, la violence physique et la violence psychologique d’un pouvoir qui ne croit qu’à la force et à la violence pour s’imposer. Priver un peuple à la fois de travail et de liberté, expose les tenants du pouvoir à des révoltes voire à la révolution. En Libye, le colonel dictateur Kadhafi croyait naïvement qu’il suffisait de faire marcher l’État providence à coups de pétrodollars pour priver le peuple libyen de liberté. Les révoltés qu’il a traités de rats l’ont poussé à fuir et à se transformer en rat d’égout avant de subir, le 20 octobre 2011, les conséquences funestes de la justice populaire après quarante-deux ans d’une tyrannie barbare. Ses exécuteurs n’avaient aucune foi en la justice de leur pays. Si des élections démocratiques avaient existé en Libye, le peuple l’aurait chassé du pouvoir pacifiquement et il serait resté en vie.

La violence de l’équipe au pouvoir, lorsqu’elle n’est pas élue démocratiquement, est une violence illégitime qui appelle la violence de ceux qui lui résistent pour changer le pouvoir ou pour y accéder. La forme paroxysmique de cette résistance est la lutte armée. La lutte armée est toujours une tragédie pour le peuple pris entre deux feux. La conquête pacifique du pouvoir peut aussi se transformer en tragédie pour le peuple et l’opposition face à une dictature liberticide comme c’est le cas au Togo. Que de sang versé dans ce pays depuis les morts de la lagune de Bè en passant par les détenus d’Agbandi et Diguina, le massacre interethnique de Sotouboua, les expulsions criminelles et tribalistes de Bodje et Medje, les répressions sanglantes des démocrates et du peuple résistant de Bassar, Sokode, Mango, Dapaong, Atakpamé, Aného et Lomé!

La notion d’équité est importante dans un régime démocratique. C’est pourquoi toutes les couches de la population doivent être équitablement représentées à l’assemblée nationale. Or la réalité du Togo met en exergue l’inégale représentativité de certaines régions. Il suffit de relever le ratio nombre d’habitants/nombre de députés pour être édifié. La préfecture de Danyi peuplée d’un peu plus de 30000 habitants dispose à l’assemblée nationale de 2 députés alors que les préfectures de Tone, des Lacs, de Tchaoudjo, de Kloto, et de la Kozah qui ont autour de 200000 à 300000 habitants n’ont droit qu’à 3 députés, tandis que la ville de Lomé avec plus d’1 million d’habitants n’a que 5 députés. Cette représentation inéquitable remet en cause la représentativité et même la légitimité du parlement togolais.

Le contexte politique dominé par un régime militaire et des politiciens civils qui ont peur du changement pour des raisons liées aux traitements inhumains et dégradants qu’ils infligent à leurs administrés, aux violations massives et répétées des droits de l’Homme et à la corruption et surtout à la crainte de la perte de leur impunité, explique les difficultés d’une transition démocratique sanglante. Le régime militaire refuse de disparaître et ne tolère qu’un accompagnement des forces démocratiques dans des gouvernements prétendument d’union. La preuve en est que, selon tous les rapports des organisations des droits humains, il est fait état de pics très importants de violations des droits de l’Homme et de violences impliquant des militaires et les forces de l’ordre soutenant le parti au pouvoir, le Rassemblement du Peuple Togolais, contre les civiles soutenant la démocratie, avant, pendant et après les élections.

Dans le même ordre d’idées, le président Gnassingbe Eyadema a fait sauter le verrou du deuxième mandat présidentiel pour rester indéfiniment au pouvoir. Cette mesure a exacerbé la haine des militants de l’opposition et d’une partie très importante de la population contre le régime RPT. Cette modification unilatérale de la constitution a été un facteur de menaces contre la paix dans le pays. L’affrontement des milices de l’opposition et du RPT au cours des périodes électorales est la preuve que, au Togo, les élections, loin d’être un facteur de résolution de la crise togolaise, constituent un facteur d’exacerbation de cette crise.

Les élections démocratiques ne peuvent être un facteur de paix durable que si les conditions sont réunies sur le plan sociopolitique. Au Togo, la charrue est mise avant les bœufs. L’ancien régime n’entend pas lâcher le pouvoir parce que la peur a changé de camp. Les tenants du vieil ordre ont peur de la reddition de comptes et de la justice. C’est pourquoi des négociations doivent être engagées, non pas avec le RPT, comme cela s’est toujours fait en vain lors de 13 négociations pouvoir/opposition depuis le début du processus démocratique, mais avec les éléments militaires du clan Gnassingbe et l’état-major des Forces Armées Togolaises, seuls et vrais détenteurs du pouvoir au Togo comme ils l’ont encore démontré lors de leur coup d’État du 5 février 2005 où Faure Gnassingbe a été présenté illégalement aux Togolais comme leur nouveau président! C’est donc le retrait du pouvoir de l’armée pour devenir une armée républicaine qui permettra l’organisation d’élections apaisées au Togo. Même si par extraordinaire, le régime militaire laissait l’opposition gagner les élections et que celle-ci accédait au pouvoir, elle serait l’otage de l’armée et le nouveau président élu risquerait d’être emporté par un coup d’État ou assassiné dans les trois mois. C’est dire que des élections, même lorsqu’elles sont démocratiques, n’instaurent pas la démocratie dans un pays.

La démocratie doit faire l’objet d’un consensus au sein de la classe politique avant que toutes les forces qui aspirent au pouvoir puissent entrer dans la compétition électorale à partir des mêmes règles imposées par la loi. Vouloir les organiser à tout prix quand un camp est en armes et décidé à demeurer au pouvoir contre vents et marées, conduit le peuple à la boucherie.

Comment s’étonner alors que les dirigeants politiques togolais soient désarmés par rapport à la gouvernance politique démocratique? La conservation à tout prix d’un pouvoir dictatorial et dynastique s’oppose fondamentalement aux règles d’un régime démocratique.

Que l’on ne s’y trompe pas! La stratégie de la terreur qui dure depuis plus de deux décennies au Togo, si il n’y est pas mis fin rapidement finira par déboucher sur une guerre civile, car de plus en plus nombreux sont les Togolais qui réclament des armes pour établir l’équilibre de la terreur avec ceux qui les terrorisent en toute impunité. Lorsque la Commission d’établissement des faits des Nations Unies a reçu les témoins et les victimes de l’accession sanglante de Faure Gnassingbe au pouvoir en 2005, la plupart d’entre eux suppliaient les membres de cette commission de leur fournir des armes pour en découdre avec le régime militaire. C’était le même discours lorsqu’une délégation de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme s’est rendue au camp des réfugiés togolais d’Agamé au Bénin, les 22 et 23 février 2006.

Si les élections démocratiques sont des occasions d’affrontements violents, il ne faudrait pas que le régime en place en prenne prétexte pour les supprimer; il s’exposerait au pire. Le retour au parti unique serait une catastrophe nationale. L’échec calamiteux de la gestion de l’État par les militaires pendant près d’un demi-siècle caractérisé par la misère, l’arbitraire, la torture, les assassinats, la corruption généralisée, la faillite économique du pays (admission du Togo dans le groupe infamant des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) en 2008) et la misère du peuple togolais doit les inciter à beaucoup d’humilité et au patriotisme par l’abandon du pouvoir. Les Togolais, qui les haïssent, ont trop souffert de leur faute. L’urgence qui s’impose à la dictature militaire est l’organisation rapide de négociations entre les militaires, les partis politiques et la société civile au sujet du désengagement des Forces Armées Togolaises de la politique et du pouvoir.

CONCLUSION

Comme souligné plus haut, les élections démocratiques ne peuvent devenir un facteur de paix dans un pays en voie de démocratisation qu’à la condition qu’il se dégage un consensus national autour de la démocratie et que les Forces Armées Togolaises, par patriotisme, acceptent de quitter le pouvoir avant d’y être contraintes, malgré elles, au prix d’indicibles souffrances pour le peuple togolais martyr. Les élections togolaises s’apparentent à une guerre non déclarée et lâche, par le régime militaire, contre les forces démocratiques. La Commission Électorale Nationale Indépendante doit aussi être dépolitisée tout comme la Cour Constitutionnelle. Le verrou du second mandat présidentiel doit reprendre sa place dans la constitution pour rassurer les Togolais. La même remarque concerne la représentation équitable de toutes les populations à l’Assemblée nationale. Le mode de scrutin à deux tours doit aussi redevenir la règle.

Mais toutes ces dispositions ne serviront à rien tant que persistera une culture de l’impunité qui encourage les criminels multirécidivistes à persister dans leurs crimes abominables contre le peuple togolais. La démocratie devra se manifester par le règne de la loi, l’État de droit. Il n’y aura aucune réconciliation sans justice. En réalité, l’opération de réconciliation est toujours une manœuvre politicienne plus ou moins démagogique (exemple de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation); ce qui doit s’imposer à tous est tout simplement le respect de la loi, nous l’avons déjà souligné, pour éviter la vengeance des victimes ou de leurs proches. La réconciliation armée-nation organisée, le 27 avril 1994, par Eyadema et son premier ministre Koffigoh avec la complicité de l’évêque Philippe Fanoko Kpodzro, sans mandat du HCR, alors que la majorité de la population de Lomé était en exil au Ghana et au Bénin pour échapper aux tueurs de cette même armée, n’a été que le prélude à d’autres massacres de la population par les organisateurs de cette mascarade cynique de pseudo-réconciliation.

Faire la paix requiert beaucoup de courage et d’honnêteté. Les tenants de la dictature militaire doivent garder à l’esprit la sentence qui dit qu’un fusil à la main, tous les hommes sont égaux. Notre part de courage consiste à dire la vérité à ceux qui oppriment et exploitent le peuple togolais pendant qu’ils ont les fusils pointés sur nous. Pour leur part, les militaires doivent faire preuve de beaucoup d’humilité et de courage pour accepter d’entendre, sans se boucher les oreilles, le cri et la vérité qui sortent de la bouche de leurs victimes.

Il fallait le dire!


Lomé, Togo, 
Ayayi Togoata Apédo-Amah

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Commentaires
KANLENTO-AVULETE "vaillant combattant, nous devons lutter"
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