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KANLENTO-AVULETE "vaillant combattant, nous devons lutter"
31 mars 2009

source: Liberté Hebdo #486 du 30 mars 2009

Lutte contre le tribalisme et le régionalisme au Togo : Réaction : Il n’y a aucun malheur à être Kabyè !

            La parution n° 014 de février-mars 2009 du mensuel Focus-Infos a publié un article intitulé: « Mon meilleur ami s’appelle Amouzou ». Cet article qui dénonce une pratique qui dure depuis le temps du père, et que le fils poursuit par des contorsions susceptibles de distraire ceux qui peuvent l’être, sans doute, pour ne pas perdre son fauteuil présidentiel, est un article judicieux que tout bon Togolais ayant à l’esprit le fondement d’une nation et à l’heure où les autorités elles-mêmes parlent de « vérité, justice et réconciliation », devrait pouvoir apprécier à sa juste mesure.

Nous rappelons que nous avions eu, nous-mêmes, courant 2008, à faire paraître un article dans lequel nous avions démontré que le défunt président, tout en étant peu instruit et peu cultivé, avait tout, après avoir créé le RPT (Rassemblement du Peuple Togolais), pour  damer le pion au Père de l’indépendance, en sortant ce pays de son tribalisme, si tant il est vrai, que feu Olympio avait pratiqué le tribalisme pendant ses trois années de présidence. Cela  aurait été tout à son honneur, même après sa mort. Tel ne fut pas le cas; au contraire, il avait exacerbé le tribalisme et la haine tribale dans son pays « en tant que Père de la nation». Et toutes les preuves en notre possession militent en faveur de cette thèse. Personne ne nous convaincra du contraire.

Si plusieurs journaux ont eu, à la parution de l’article de Focus-Infos, à s’en faire l’écho, en vue d’une large diffusion, c’est justement parce qu’ils sont conscients que beaucoup de Togolais souffrent du tribalisme et du régionalisme dans leur chair et que tout le monde en parle. D’ailleurs, les nominations du temps du Général Eyadèma étaient des occasions pour narguer et provoquer le reste des Togolais. « Qui es-tu pour dire quoi et à qui ? », semblait-on signifier à qui de droit. Le problème du tribalisme au Togo est un problème crucial et les organes de presse ainsi que tous les médias ont l’impérieux devoir d’en faire leur affaire, de le combattre par tous les moyens; peu importe que l’on en soit victime ou bénéficiaire. Ainsi, ensemble, les Togolais construiront leur avenir dans la fraternité, l’union et la solidarité.

Notre combat, pour ceux qui ne le savent pas, est axé en partie sur la dénonciation et l’éradication de ce mal institutionnalisé par le régime RPT depuis des lustres en système de gouvernement et d’exploitation des populations pour lesquelles on prétend lutter, donnant aveuglément dans le tribalisme, tout en ignorant la mission première d’un dirigeant politique.  Notre démarche ici, tout en apportant notre soutien à l’initiative osée du confrère Focus-Infos, consiste aussi à répondre à la réaction d’un autre confrère.

Acceptable réaction d’un confrère

            Nous avons lu avec intérêt la réaction du confrère La Dépêche et tenons à apporter notre appréciation. Il ne suffit pas d’être offusqué parce qu’on se sent concerné par un article, étant donné sa propre origine et se mettre à critiquer pour le plaisir de critiquer, au point de perdre les pédales et prêter soi-même le flanc à la raillerie. Pour une fois, nous saluons une bonne réaction de la part d’un confrère qui a su y aller avec des arguments somme toute pertinents, quand bien même, il demeure des points sur lesquels le trio d’auteurs peut être attaqué sans méchanceté.

            Concernant le tribalisme au sein des partis politiques, le trio prend le cas de la composition du bureau politique de l’UFC où il constate que «presque tout le bureau est composé de neveux, frères, beaux-frères du leader. S’il leur arrive de positionner des gens issus d’autres ethnies et particulièrement ceux du nord, ces derniers ne sont réduits qu’au second rôle ». Pour étayer leur affirmation, Joël, Vivien et Jacques se sont rabattus sur le cas Amah Gnassingbé qui occupait le poste de 3è vice-président de l’UFC, « bien que membre fondateur ». Et d’appuyer par l’argumentaire selon lequel, c’est pour limiter ses chances de briguer un mandat présidentiel au nom de l’UFC. Cela témoigne, disent-ils, du peu de confiance placé en lui.

Nous partageons leur constat selon lequel ceux qui critiquent le tribalisme en sont les vrais adeptes. Comment ne pas le partager, si l’on n’a pas su devancer ces genres de critiques sur une si longue période ? Cela aurait-il motivé « Le vrai Gnassingbé » à faire défection lorsque l’occasion s’est offerte ? Ce n’est pas moins sûr. Par ailleurs, les auteurs de la réaction se sont référés à une déclaration de ce parti faite en 2007 : « … l’UFC a crié haut et fort lors des législatives passées qu’elle gouvernerait seule et sans partage en cas de victoire ». Et de conclure, que les gens du « Sud » sont plus tribalistes que ceux du « Nord ». Quel contenu l’UFC donnait-elle à une telle déclaration ? Et comment les confrères ont-ils compris cette déclaration ? Toujours est-il que, dans ces genres de situations délicates et précaires, il est préférable d’éviter  des propos à semer la confusion et le doute.

            Poursuivant l’analyse, ils donnent un autre cas, celui des sociétés privées dirigées par des gens du « Sud » qui n’engagent que leurs frères et sœurs et où il est difficile de se faire embaucher « si l’on ne comprend pas éwé ou mina ». Parlant du mensuel Focus-Infos, qui dénonce le tribalisme dans les hautes sphères de l’Etat, le trio d’auteurs lui renvoie le miroir où le mensuel et son équipe devront se mirer et se situer par rapport à la pratique du tribalisme.

Des observations s’imposent

            Dans l’ensemble, les auteurs n’ont pas réagi à l’article de Focus-Infos de la même manière que le font ou le faisaient certaines catégories de «journalistes » de la presse privée chez qui l’on sentait d’emblée, qu’il leur fallait coûte que coûte, réagir à la parution de tout article sensible, juste pour montrer qu’ils font bien le boulot pour lequel « ils sont payés ». Même si les arguments sont tirés par les cheveux, l’essentiel pour eux, c’était de jouer leur rôle de  sentinelle et donner la réplique à chaque fois, à la satisfaction des barons qui s’enrichissent sur le dos de l’ethnie pour laquelle ils prétendent lutter.

            Il faut préciser que, pour ce qui est d’une entreprise ou d’un parti politique qu’on a créés soi-même, chacun est libre d’y engager ceux qu’il veut. Tout est une question de confiance. Mais l’idéal serait de commencer à faire l’effort de transcender les barrières linguistiques, ethniques et régionalistes et tabler sur la compétence, le sérieux et la confiance face au travail. A propos de la déclaration de l’UFC à l’approche des législatives, à l’époque, certains en avaient été choqués tout en étant sympathisants du parti. De là, la nécessité d’éviter au maximum les risques d’erreur en tant qu’homme politique.

Concernant le personnel de Focus-Infos, pour avoir la preuve de l’esprit tribaliste du mensuel, il va falloir s’assurer qu’un Togolais d’une autre ethnie, se soit présenté à ce journal à la recherche d’une place et qu’il ait été rejeté pour son origine. Et si Focus-Infos renvoyait la balle dans le camp de La Dépêche ? Il est vrai qu’il y en a, qui utilisent des prête-noms et ce n’est pas évident que l’on puisse, à partir de l’ours d’un journal, prétendre connaître avec risque d’erreur zéro, l’origine de tout le monde dans le staff d’un organe de presse.

            Il y a un point très important où nous ne sommes pas du tout d’accord avec le trio Joël, Vivien et Jacques, mais alors, vraiment pas d’accord, c’est là où il déclare : « Force est malheureusement de constater que la presse togolaise qui est normalement censée contribuer à l’apaisement et redonner aux Togolais l’espoir d’élections libres, transparentes et surtout sans violences, se livre plutôt à des campagnes d’incitation à la haine tribale ». Là, nos confrères se fourvoient carrément et perdent pied. Dénoncer ce qui est réel n’est pas synonyme de se livrer à une campagne d’incitation à la haine tribale. Se taire, serait au contraire criminel de la part des organes d’information. Dénoncer des dérives tribales est un impérieux devoir pour la presse en tant que quatrième pouvoir. Cela demeure un combat de tous les instants à mener jusqu’à éradication totale de ce virus inoculé aux Togolais.

Autre affirmation gratuite que nous sommes loin de partager : « Au Togo, le RPT reste le seul parti rassembleur ». C’est du mensonge et du vrai mensonge ! S’il est le seul parti rassembleur, c’est sûrement autour de l’argent des Togolais, autour du gaspillage des fonds de l’Etat, et autour de la recherche de la facilité. Tout cela a attiré certains Togolais qui y sont arrivés et sont restés pour se mettre à l’abri des besoins et sans aucune conviction politique. Nous insistons là-dessus, ils y sont sans conviction, tout en étant convaincus que le RPT nuit au développement de la nation togolaise et du peuple.

Autorités interpellées

Qu’on le veuille ou non, personne ne convaincra les Togolais que la dénonciation faite par Focus-Infos est fausse ou qu’elle cultive la haine tribale. A preuve, un Kabyè et pas n’importe lequel, un procureur de la République qui se reconnaîtra certainement, déclarait un jour à propos d’une affaire pendante au tribunal, et nous ignorons, piqué par quelle mouche: «Les Kabyè sont incontournables en première instance ». Ici, il nous plaît de nous tourner vers l’OTM (Observatoire togolais des médias) pour savoir ce qu’il dit en revanche de tels propos venant d’un procureur de la République. Entre Focus-Infos et Monsieur le Procureur, qui d’entre les deux incite à la haine tribale ou expose une ethnie à la haine des autres ?

Du temps du Gal Eyadèma jusqu’à ce jour, les nominations à de hautes fonctions administratives ou politiques ou à des « postes juteux », se font, soit sur une base ethnique parfois au mépris de la compétence (se qui est très répandu), soit sur la base de l’appartenance au RPT, ancien parti unique, ou encore sur la base d’une caution apportée au parti au pouvoir par un parti hybride en manque d’identité (Le Nid, la CPP, le PDR, etc.) Tout cela n’est qu’un secret de polichinelle. A un moment où les autorités parlent de réconciliation nationale et de pardon, il est indispensable que les actes et propos des pouvoirs publics aillent dans ce sens.

On ne peut pas prétendre s’engager en faveur de la réconciliation des Togolais, puis adopter des attitudes anti-réconciliation, tribalistes et régionalistes en tant que sommité. Les exemples sont édifiants tels que la caution apportée au remplacement de la FICK par le SICKA par ceux-là qui prétendent que le développement de la région de la Kara devrait se faire par les fils de la région eux-mêmes; les recrutements sur une base ethnique dans la police par exemple, et dans la fonction publique (environ 2500 Kabyè sur 4000 admis au dernier concours national sur l’ensemble des 40 ethnies).

Il n’y a aucun malheur à être Kabyè ; qu’on s’en rassure ! Vraiment pas ! Que les responsables politiques s’efforcent de leur côté de jouer le bon rôle, le rôle dévolu à tout homme politique responsable, pour que tous les Togolais se sentent demain comme des frères et sœurs sans animosité des uns envers les autres. C’est au contraire le mauvais rôle que jouent souvent les autorités, qui amène à faire croire à d’autres qu’il y aurait un malheur à être Kabyè. Il nous plaît ici de terminer en disant qu’on ne devient pas chef d’Etat, mais qu’on naît chef d’Etat. Cela signifie tout simplement que celui qui est né chef d’Etat, tous les actes par lui posés, vont prioritairement dans l’intérêt supérieur de la nation et non dans le sens de son appartenance à telle ou telle ethnie.

Alain Simouba

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