Politique
5 décembre 2008
Bruxelles : Colloque Tavio Amorin, le panafricaniste visionnaire 

Inoubliable Hommage International

au Martyr de la démocratie togolaise

Compte rendu de Assizangbé Assidina et Amémélio Kutrikuku

Se lever et contredire à « mains nues, la tête sans protection et le corps sans gilet par balles » (définition de la Génération Ekpémog) un régime comme celui d’Eyadèma, l’enfant chéri de la Françafrique, est un pari osé au tout début des années quatre -vingt dix. Tavio Amorin fût parmi ces « fous » qui n’ont pas craint de défier le Général autoproclamé du Togo, un hydre né le 13 janvier 1963, auteur autoproclamé du meurtre de Sylvanus Olympio père de l’indépendance et père de la nation togolaise.

Esprit encyclopédique, « politiquement cultivé » Tavio Amorin était pour nous un génie qui pouvait rester en marge de la politique et réussir sa vie. Revenu au Togo en 1991 à la faveur de l’insurrection populaire du 05 octobre 1990, il apporta sa modeste contribution à l’instauration de la démocratie. Le rêve d’un Togo meilleur pour tous se transforma en drame cette funeste nuit du 23 juillet 1992.

Le jeune leader du PSP ( parti socialiste panafricain), tombera, sous les balles des ennemis de la liberté et du Togo, regroupés autour de Gnassingbé Eyadema d’une part et, plus curieux, au sein de certains milieux néo-démocrates, pressés d’arriver au pouvoir et qui voyaient en Tavio un obstacle à leurs ambitions.

Tavio Tobias Ayao Amorin jouissait d’une véritable audience populaire, tant au niveau national qu’international .En très peu de temps, il s’est révélé un homme d’exception come en témoignera Paul Ayanou. Evoquant les circonstances de la création du Parti Socialiste Panafricain (PSP), Paul Ayanou a rendu un hommage mérité à feu Tavio AMORIN et à Jean-Claude AYANOU, tous deux porteurs du projet de création du parti et qui ont su s’entourer de gens valables.

Qui était -il ?

« Nul n’a le droit d’effacer une seule page de l’histoire d’un peuple ; écrite par le sang des martyrs ». Cette entreprise historique, participe du patrimoine national à transmettre aux jeunes générations pour qu’elles s’en inspirent. C’est sur la base de ce socle que s’est tenu, le 22 novembre 2008 au Centre Elzhenof à Bruxelles, le Colloque international Tavio Amorin. Organisée par le cercle international Kwame N’Krumah, cette manifestation politique a regroupé un panel d’associations, d’hommes politiques et culturels africains et européens.

Elle a permis aux participants d’en savoir plus sur la « face cachée » de Tavio Ayao Amorin ; celui- là qui avait un franc -parler et qui se voulait animateur de la prise de conscience et de l’engagement de la jeunesse africaine.

Le mauvais temps de Bruxelles de ce samedi 22 novembre 2008, n’a pas découragé celles et ceux qui ont fait nombreux, le déplacement du Centre Elzhenof pour prendre part à cet événement que le comité d’organisation a voulu pédagogique.

Le ton a été donné en premier lieu par l’historien et égyptologue Jean - Charles Coovi Gomez ; modérateur du premier panel. Il est revenu plus tard à Tété Godwin, doyen d’âge et président du colloque, l’honneur d’évoquer sa rencontre avec Tavio Amorin et d’insister sur l’engagement politique de Tavio Amorin et sa radicalité contre la dictature Eyadema. Rappelons, par ailleurs, que le Colloque Tavio Amorin, est aussi un hommage vibrant à l’action politique du doyen Tété Godwin, celui, qui, a, à son actif, plus d’une vingtaine de livres de très bonnes qualités écrits sur l’Afrique, le panafricanisme, la question nègre, et plus spécialement le Togo.

Quant à Maurice Mouta Wakilou Gligli, président du Cercle international Kwame N’Krumah et principal artisan du colloque, dans son discours liminaire, a fait l’arbre généalogique de la famille Antonio d’Alvez d’Amorin et de dire qui est Tavio (Travail, Amour, V comme Vertu, et le V de la victoire Innovation, Ouverture. Cf Discours de clôture d’Eugène Kouvahey du FPO5- Front patriotique du 5 octobre, vice- président du Colloque).

Mouta, compte tenu de sa proximité avec Tavio, par ailleurs son oncle maternel, s’est réclamé son dépositaire testamentaire. Après avoir évoqué sa propre biographie, l’intervenant s’est déclaré par euphémisme, candidat aux présidentielles de 2010 au Togo. Quelle ne fut la réaction de l’assistance ? Une campagne électorale  ? Un meeting ?......Ce fut la débandade. Dans la série des témoignages ; entre autres, Paul Akuété AYANOU évoquant les circonstances de la création du Parti Socialiste Panafricain (PSP) a rendu un hommage mérité à feu Tavio AMORIN et à Jean-Claude AYANOU,Henriette Kekpo Amorin et Mouta Maurice Gligli, tous porteurs du projet de création du parti et qui ont su s’entourer de gens valables...

Paul Ayanou, ancien membre du Bureau Exécutif du Parti socialiste panafricain (Psp), a parlé d’un homme politique d’exception ; qui se dépensait sans compter. Malgré sa courte vie, il aura écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du Togo, d’abord comme acteur mais aussi comme témoin de rares évènements qui illuminent une vie. Pour rallumer la flamme de la combativité engendrée par Tavio Amorin, il a suggéré un appui conséquent à la fondation dédiée à sa mémoire.

Viendra le tour de Magloire Olympio, compagnon de lutte de Tavio Amorin d’évoquer leur petite enfance ; le « maigrichon » joueur de football et le brillant élève du Collège Saint -Joseph de Lomé .De leur retrouvaille à Paris, leur passion du Togo et du continent africain. Pour sa part Spero Houmey, ex Secrétaire général de Bâtir le Togo et rédacteur en chef du journal Kpakpa Désenchanté, a présenté Tavio Amorin, le journaliste. Francisco Djondo, Secrétaire Général de la Fondation Tavio Amorin, est allé de sa propre initiative rechercher dès son arrivée en Europe au début des années le lit de malade de Tavio, qu’il ne retrouvera jamais. Il évoquera avec beaucoup d’émotion Tavio le pèlerin à la recherche d’un lit. Parmi les nombreux messages de soutien, seuls les plus courts ont été lus par Justin Alofa, le président du Gepan. Signalons par ailleurs que de toute l’opposition togolaise qui en réalité est « la majorité togolaise » (cf. le discours liminaire d’adieu de la famille Amorin à Tavio Amorin, lu par Mouta Gligli.Lomé Septembre 1992), seuls Gilchrist Olympio le président de l’UFC, Isidore Latzoo, le président du CTR et l’ancien Premier ministre Agbéyomé Kodjo de l’Obuts, ont envoyé un message de soutien aux assises de Bruxelles. La famille Amorin, représentée par Jean -Thomas Doe -Bruce a délivré un message de gratitude aux participants. Avant la pause, les participants ont écouté successivement les discours des militants panafricanistes : Madame Louise Ngandu, présidente d’honneur des Femmes Africaines de Belgique, M. Siméon Francis Ekoga, président du Rassemblement démocratique du peuple gabonais (RDPG). Ce dernier a présenté à la famille éplorée ses condoléances tardives avant de définir le panafricanisme comme la mise en commun de nos forces contre la répression et la dictature qui enserrent les peuples opprimés d’Afrique d’une part, et pour une véritable recherche de l’unité africaine de l’autre. Il a émis le vœu qu’il n’y ait plus d’assassinats des panafricanistes visionnaires parmi lesquels Tavio Amorin.

Ambroise Kalabela, Représentant du Centre Liégois d’Afrique Noire (CLAN), a délivré un message de solidarité au colloque en exhortant les participants à œuvrer à la reconstruction d’un vrai mouvement panafricain avec des Africains convaincus. Il a salué la mémoire de Tavio Amorin et de Folly Kangni Bertin, deux hommes qui se complètent, et qui, normalement s’ils étaient restés en vie, auraient pu aider à régler sans concession aucune, l’équation de la question togolaise. Selon Ambroise Kalabéla, seuls ces deux jeunes sont le symbole de la radicalité face à un système mis à la tête du Togo par la Françafrique, cette chose ignoble qui travaille à maintenir nos pays sous contrôle. Avant de s’écrier « l’Afrique n’a point besoin de héros morts. Elle a besoin que ses fils soient vivants pour œuvrer à sa construction ».

Le second panel, dirigé par Maurice Mouta Wakilou Gligli, a été marqué par la prestation de deux artistes venues de France. Il s’agit de Malounbi et de la poètesse franco-africaine Aziza. L’une a chanté Tavio Amorin, « couleur et douleur » et l’autre a lu Tavio, avec son tam-tam, « Aimé Césaire ». Le point d’orgue du colloque fut l’intervention, magistrale et pédagogique, du Secrétaire général de l’Institut Panafricain Tavio Amorin, le Pr Jean -Charles Coovi Gomez, un ami du jeune leader assassiné. L’intitulé de son exposé : Tavio Amorin, stratège et théoricien du panafricanisme en dit long sur ce que fut la courte vie de Tavio. Selon lui, seul le doyen d’âge Godwin Tété (la boussole) et Tavio Amorin (le gouvernail) ont maintenu avec courage, au mépris de leur intégrité physique, le panafricanisme en terre togolaise. Il a par ailleurs souligné l’actualisation de la mémoire des leaders panafricanistes de même que la lecture critique de leurs œuvres. Ce que Tavio Amorin faisait avec délectation. Avant le discours de clôture prononcé par le vice - président du Colloque, Eugéne Kouvahey,un appel de Bruxelles en direction des peuples du Togo* proposé et lu par Jean-Thomas Doe-Bruce a été acclamé et adopté à l’unanimité. Les feux du Colloque International Tavio Amorin de Bruxelles se sont éteints aux alentours de 17h 30.Les participants ne voulant pas quitter les lieux salle de la réunion, tellement ils avaient soif de découvrir davantage Tavio. Les feux se sont éteints mais la lumière de Tavio continue de briller pour toutes les bonnes volontés qui désirent suivre la voie tracée par Tavio : la libération du Togo dans une Afrique unie, fière, et digne.

Fait à Paris, ce 03 décembre 2008

ASSIZANGBE ASSIDINA et AMEMELIO KUTRIKUKU

* voir les actes du Colloque (livre à paraître debut 2009)

Quelques photos :