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KANLENTO-AVULETE "vaillant combattant, nous devons lutter"
23 août 2008

LIVRE

WADEDES RAPPORTS DE L'INTELLECTUEL ET DU POUVOIR EN AFRIQUE NOIRE: CAS DE ABDOULAYE WADE

Dans un Compte-rendu de Le stagiaire - Roman d’un président de la République, ouvrage de Babacar Sall paru aux éditions l'Harmattan. Janvier 2007.

Peu importe que «Le stagiaire» soit un roman, une nouvelle ou un essai. Le plus important, au regard de l’actualité du Sénégal, c’est la description que fait Babacar Sall du bilan du règne d’Abdoulaye Wade, président de la République du Sénégal.

A tous égards, le bilan du «stagiaire» - surnom d’Abdoulaye Wade dans l’ouvrage - est une véritable catastrophe. Ainssi, Wade «représentait à lui seul, par sa politique, l'équivalent de sept années de périls acridiens». page 10 Résumer cet ouvrage serait presque un «crime», un déni de droit ….à la connaissance exercé contre ceux qui aiment l’Afrique, le Sénégal. Il faut lire cet ouvrage. Absolument. Pour comprendre ce qui se passe au Sénégal et qui explique, maintenant que nous en connaissons les résultats, le mystère de la dernière présidentielle.

Wade serait un dictateur mégalomane. Tout au long du roman, l'auteur n'hésite pas un seul instant à utiliser l'imparfait de l'indicatif. Par ce mode de conjugaison, Babacar Sall exprime son dégoût et sa déception vis-à-vis du mandat politique de cet homme.

«Le stagiaire, c’est le président Wade. Je ne fais pas partie des écrivains qui écrivent pour dire ensuite qu’il s’agit d’un personnage fictif. J’assume mes responsabilités. Le personnage renvoie exactement à la réalité de l’homme Wade. Je trouve que je l’ai parfois sous-estimé dans son audace naturelle à défier et à pervertir les règles morales et humaines de notre société», a soutenu l’auteur au cours d’une interview accordée au quotidien de Dakar. "Walfadjri". A la page 33, l’auteur déclare qu’il voudrait fermer cette page sombre de l'histoire du Sénégal et qu’il ne veut plus voir le locataire du palais de Dakar se représenter. Il précise: «Le Sénégal se rendait compte de jour en jour qu’il s’était trompé d’alternance. Il y avait une erreur de casting: on croyait élire un président et au bout du compte on avait un stagiaire». Il traite Wade de mégalomane des grands chantiers dont l'Afrique n'a pas besoin pour l'heure, de rancunier et de torpilleur de la liberté d’expression.

Par définition, le stagiaire est un «personnage complexe avec ses crises d’humeur, sa cour et parfois l’étrange légèreté de l’être pouvant mettre en danger le Sénégal». Il stigmatise son incapacité à exécuter le contrat de confiance que le peuple sénégalais a passé avec lui en l’an 2000.

A la page 154, il écrit que «Amnésie et mensonge par omission étaient les deux mamelles de stagiairisme». Il qualifie d’intellectocrates[1], les collaborateurs et les exécuteurs de cette philosophie politique. A la page 14 par exemple, l’auteur fait noter qu’avec Wade, «c’est l’État fourre-tout ou se mêlaient affairisme, maraboutisme, clientélisme et pratiques occultes».

Le stagiaire était fasciné par le désordre, l’improvisation et l’imprévisible (page 115). En effet, Wade a une propension à exagérer ses capacités, ses attributs, sa fonction. Plusieurs fois il répétait à son entourage qu’aucun autre n’avait fait ce que lui avait apporté à l’Afrique et au monde. Il se disait chantre du panafricanisme et se présentait comme le plus diplômé de tous les Chefs d’État (page 44). Il piétinait les droits de l’homme en arrêtant ou emprisonnant qui il voulait et quand il le voulait (page 10). Il usait constamment d’arguments d’autorité du genre «Étant chef d’État, je suis à la tête de tout, j’ordonne, je veux, j’exige qu’il en soit ainsi.» (page 120).

Les conséquences de la politique de Wade sont désastreuses: «des milliers de jeunes fuient le pays en s’embarquant de manière suicidaire dans des pirogues de fortune voués au naufrage». (page 185)

L’auteur s’interroge enfin sur ce qui restera du Sénégal lorsque le stagiaire aura terminé son stage. Comment, après le passage du typhon, il faudra retrousser les manches pour reconstruire et surtout prévenir pour que cela n’arrive plus jamais. Il n’a pas détruit que son pays. Il a aussi détruit des hommes et des femmes qui l’habitent en semant en eux l’illusion et le mensonge. (page 204)

La leçon de tout ceci est un véritable appel à la réflexion sur le mode de dévolution du pouvoir dans nos pays où les populations sont exposées à la démagogie de ceux qui aspirent à les conduire. Comment demander à des femmes et à des hommes, brisés par les soucis du quotidien, qui manquent de tout, de « décortiquer» des programmes politiques souvent illisibles pour les plus avertis tant ils sont volontairement ambigus? Voyez ce qu’ont été les mandats de Jean-Bertrand Aristide en Haïti, de Pascal Lissouba au Congo Brazzaville, de Nicéphore Soglo au Bénin. Le bilan de ces hommes, arrivés au pouvoir par la voie des urnes, n’a pas été ce que les peuples espéraient.

Babacar Sall nous tient par la main pour nous faire effleurer la problématique des rapports de l’intellectuel et du pouvoir dans les États d’Afrique noire. Il ouvre un chantier pour la jeunesse à qui revient la mission de «penser l’Afrique de demain».

A lire absolument.

Belgique, 25 mars 2007
Maurice Mouta Wakilou Gligli

[1] Ce sont ceux qui ont transformé le stylo en tube digestif, qui mangeaient à tous les râteliers et dont le seul but était d’asseoir une science de la pitance (page 53). Les intellocrates sont appelés au Togo ventocrates ou podosants ("podo" désignant le ventre en mina –une langue du pays-).

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