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KANLENTO-AVULETE "vaillant combattant, nous devons lutter"
7 décembre 2012

Mo Yan, l’écrivain chinois pris Nobel de

Mo Yan, l’écrivain chinois pris Nobel de littérature : «La solitude et la faim ont nourri ma création» 

Né dans la misère du hinterland chinois, le prix Nobel de littérature 2012 a trouvé dans l’écriture l’«arme miraculeuse» pour conjurer les hantises d’une enfance malheureuse embrigadée par l’Histoire. Portrait.

 

En attribuant le prix Nobel de littérature 2012 à Mo Yan, 57 ans, le jury suédois vient de couronner un romancier au souffle épique qui s’est imposé au cours des dernières décennies comme l’un des écrivains chinois les plus novateurs et éminents de sa génération : «En associant imagination et réalité, perspective historique et sociale, Mo Yan a créé, a déclaré le porte-parole de la Fondation Nobel, un univers qui, par sa complexité, rappelle celui d’écrivains tels William Faulkner et Gabriel Garcia Marquez, tout en s’ancrant dans la littérature ancienne chinoise et la tradition populaire du conte.» Les spécialistes des lettres chinoises contemporaines le comparent aussi à Dickens et à Rabelais, tant l’œuvre est riche et plurielle par son inspiration et ses affiliations. «Il a un style unique, a déclaré à la télévision le directeur de l’Académie suédoise Peter Englund, manifestement satisfait d’avoir réussi à attirer l’attention du monde au talent narratif hors du commun de son poulain. Il suffit de lire une demi-page de Mo Yan pour le reconnaître immédiatement», a-t-il ajouté !

«Celui qui ne parle pas»

Les réactions n’ont pas été moins enthousiastes en Chine où Mo Yan est un nom familier et respecté du grand public. Avant d’être connu en Occident, le romancier s’est fait connaître dans son pays où ses livres sont des best-sellers. Sa nobélisation a suscité des réactions de fierté sur les réseaux sociaux. Elle a aussi été dûment saluée dans les médias contrôlés par l’Etat. «Mo est le premier auteur chinois à remporter le prix Nobel de littérature. Les écrivains chinois attendaient cela depuis trop longtemps, le peuple chinois attendait cela depuis trop longtemps», pouvait-on lire dans les pages du Quotidien du Peuple. Beijing qui n’a pas encore reconnu les mérites de Gao Xingjian, écrivain chinois dissident exilé à Paris qui fut primé par le jury Nobel en 2000, est plus à l’aise avec un lauréat comme Mo. Membre du parti communiste chinois, celui-ci est aussi vice-président de la très officielle association des écrivains chinois. Fidèle à son nom qui signifie «Celui qui ne parle pas», l’homme ne s’implique pas dans les controverses politiques. C’est d’ailleurs précisément ce que lui reprochent les militants chinois des droits de l’homme. Ils lui reprochent notamment son silence dans l’affaire Liu Xiaobo, dissident incarcéré par le régime et lauréat du prix Nobel de la Paix 2010. Mo a également été critiqué pour avoir participé à un projet de livre commémoratif sur Mao Zeodong célébrant la Révolution culturelle de 1966-76. L’écrivain a répondu à ses détracteurs dans un discours prononcé à la foire du livre de Francfort en 2009, réclamant son droit à la différence. «Certains préféreront crier dans la rue, mais il nous faut tolérer, a-t-il affirmé, aussi ceux qui se cachent dans leur chambre et se servent de la littérature pour exprimer leurs opinions».

Aux prises avec les forces de l’histoire

Pour autant, on peut difficilement taxer Mo Yan d’apolitique. Toute son œuvre (composée de quatre-vingts romans, nouvelles et essais) est traversée par la politique, même s’il respecte scrupuleusement dans sa fiction la règle des 3 «T» (Tibet, Taïwan et Tien An Men) que tous les écrivains chinois connaissent et n’enfreignent qu’à leurs dépens. Pour ne pas se faire censurer, Mo a aussi déployé une grande créativité imaginative et narrative pour évoquer, à travers des fables, des métaphores et des mises en abîme complexes, des thèmes politiques sensibles (corruption, scandales sexuels, trafics). C’est cette recherche esthétique alliée à sa sensibilité sociale qui fait l’originalité de l’œuvre de Mo Yan. Depuis Le Clan du sorgho qui l’a fait connaître en 1986 et où le romancier raconte en vrac l’invasion japonaise, la prise du pouvoir par les communistes et la misère paysanne des années 1950, jusqu’à son dernier ouvrage publié en chinois Wa (paru en français en 2011 sous le titre de Grenouilles) mettant en scène les conséquences tragiques de la politique de Beijing de l’enfant unique, les récits du prix Nobel de littérature 2012 donnent à lire les turbulences de l’histoire contemporaine de son pays, le prix humain et social d’une politique de développement à marche forcée. Ses personnages puisés pour l’essentiel dans l’univers clos de la campagne où il a grandi, sont aux prises avec les forces de l’histoire et avec une bureaucratie sans âme. Il y a du Gogol et du Balzac dans les pages des romans comme Pays de l’alcool (2000) et Le Supplice du santal (2006) qui décrivent avec ironie et puissance imaginative singulière les dérives de la politique.

«Mauvais élément»

Pour Mo Yan, la politique est aussi une quête de l’avenir et de la justice. Cette obsession de l’avenir lui vient sans doute de son propre enfance et adolescence, marquées du sceau de la misère et de l’incertitude du lendemain. Né en 1955 dans une famille paysanne dans la province de Shandong (est), le petit Mo Yan, de son vrai nom Guan Moye, a connu la famine qui a tué 45 millions de Chinois entre 1958 et 1962. Sa famille était aisée, mais cela lui vaudra d’être considéré «mauvais élément» pendant la «Révolution culturelle». Il est renvoyé de l’école alors qu’il n’a que 12 ans et sera contraint de travailler dans les champs, puis à l’usine, avant de se faire recruter par l’Armée populaire de libération. Evoquant la misère noire qui régnait dans les campagnes dans ces années-là, le romancier a raconté comment il a survécu en mangeant des écorces d’arbre faute d’argent pour acheter du riz. Cette misère des campagnes et la noirceur abjecte de la vie de la paysannerie chinoise de l’époque sont des thématiques récurrentes de l’œuvre de Mo. Celui-ci a souvent rappelé combien la solitude et la faim qu’il a connues dans sa jeunesse ont nourri sa création littéraire. Une création littéraire qui puise aussi son inspiration dans les lieux de l’enfance, en l’occurrence dans le village de Gaomi à Shandong érigé grâce au «réalisme hallucinatoire» du nouveau champion des lettres mondiales en un Yoknapatwapha (Faulkner) ou un Macondo (Garcia Marquez) chinois.

(Rfi)

 

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