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KANLENTO-AVULETE "vaillant combattant, nous devons lutter"
7 janvier 2012

PAR BABACAR FALLJeunes sénégalais, soyez

PAR BABACAR FALL
Jeunes sénégalais, soyez réalistes, demandez l’impossible

CONTRIBUTION - Ce qui se joue sous nos yeux marquera assurément la décennie sénégalaise à venir. Sans qu’il soit besoin d’être exhaustif, dans la sociologie politique du Sénégal actuel, on peut observer deux dynamiques qui travaillent les rapports sociaux dans notre pays. Il s’agit de la transformation en profondeur de la jeunesse et de l’évolution du monde paysan.


Nous reviendrons plus longuement sur les paysans sénégalais dans une autre contribution. Remarquons simplement qu’il y a eu peu de travaux d’envergure sur le sujet, à la suite de la thèse mémorable de Pierre Pélissier « Paysans du Sénégal » qui a marqué des générations de géographes sénégalais.

Nous ne sommes pas très nombreux ceux qui ont remarqué des similitudes entre la situation de la Tunisie et celle du Sénégal. En dehors de l’effet journalistique habituel pour faire le buzz.

Le débat tunisien, sur son modèle de développement, ses réponses au chômage des jeunes pour un pays sans richesse minière, son système éducatif, sa constitution, la neutralité de l’Etat, la place des femmes est extrêmement riche. La révolution tunisienne a ouvert la voie à beaucoup de remise en cause pas seulement en Tunisie, mais sur tout le continent africain. C’est aussi cela la mondialisation, la circulation des idées à la vitesse des réseaux sociaux.

Jeunes diplômés

La révolution tunisienne a démarré avec l’immolation d’un jeune marchand ambulant de fruits et légumes, qui malgré un diplôme est réduit à cette survie par l’absence d’emploi fixe pour aider sa mère. « Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait fortuite et indépendante de la volonté de l’auteur. » C’est ce qui écrit dans les génériques de film.

Qui ne connait pas des situations comparables dans notre pays ?

La génération des étudiants des années 80 a connu les maîtrisards chômeurs qui ont fondé des boulangeries, des fabriques de glaces alimentaires, des garages auto. .. Certaines de ces expériences ont réussi, d’autres ont laissé des montagnes de dettes et resteront insolvables toute leur vie. Tout au plus, ils étaient quelques centaines en comptant très large.

Ils sont aujourd’hui, en y incluant ceux qui font leurs études à l’étranger, des milliers de jeunes diplômés (Masters 1 ou 2, MBA, Ingénieurs, médecins, pharmaciens..) qui arrivent sur le marché du travail chaque année.

A l’exception de quelques grands groupes dans les télécoms, les banques ou les assurances, ils ne trouveront aucun emploi correspondant à leur qualification, dans les conditions de la gestion libérale de l’économie par Wade, son clan et sa famille. Il leur reste l’expatriation vers le Canada, la France (que C.Guéant, Ministre de l’Intérieur, vient de fermer), les Etats Unis… Quel gâchis ! Quand on pense au coût économique de chacun de ces cursus « supportés » par les maigres ressources de la nation.

La nouvelle jeunesse urbaine diplômée

L’explosion de la démographie scolaire résulte de plusieurs facteurs dans notre pays dont l’accélération du développement des banlieues autour de Dakar et l’accès au système éducatif de néo-urbains. Ces néo-urbains qui, chaque jour grossissent les quartiers périphériques de Dakar boostent le système scolaire, de santé, de transport constituent la nouvelle ressource humaine, politique et économique du pays.

La jeunesse issue des villes périphériques de Dakar constitue la très grande majorité des diplômés.

La politique libérale la confronte dès sa sortie d’écoles, de centres de formation, d’université à la réalité du maigre marché de travail sénégalais où elle se retrouve en concurrence avec les enfants de la classe moyenne mieux intégrés dans les réseaux sociaux parentaux. Avec un capital social plus faible, elle est de fait, dans une position moins favorable pour négocier son intégration socioprofessionnelle.

Le désir de promotion sociale et professionnelle des jeunes dits de banlieue est entravé par des rapports sociaux qui les enferment dans ces territoires périphériques de Dakar. Et désormais, de façon pernicieuse, la société urbaine toute entière leur assigne le stigmate de gens de banlieue et les y enferme. Et cet amalgame auquel nous avons tous succombé, renvoie à toutes les images stéréotypées : drogues, violences, mal de vivre.

Alors que la notion de banlieue désignant des territoires ségrégués, dans les univers urbains occidentaux, n’a, à vrai dire, rien à voir avec ces villes nées dans les années 70 de l’extension de la conurbation dakaroise au-delà de l’autoroute.

Mais comme en occident, les banlieues sont tout autant une question urbaine concrète (les territoires relégués des grandes villes) qu’une construction mentale, abstraite (là où sont supposées habiter les classes pauvres).

L’opinion publique a retenu ce dernier aspect..

Et les habitants de Pikine, Guédiawaye, Parcelles, ont intégré cette image stigmatisée de leurs territoires. Pourtant elle est riche d’inventivité, de création, d’élans collectifs, d’engagements et de richesse culturelle. Le RAP, le formidable développement des écuries de lutte, ainsi que les proclamations identitaires qui les accompagnent font écho à cette assignation de stigmate, par un exercice que l’on appelle le retournement du stigmate. Qui n’a pas compris cela ne comprendra pas les conditions sociologiques de la constitution du mouvement M 23.

Peut être auront-ils une lecture différente des conditions de leur constitution, mais c’est cela qui fait la richesse du débat intellectuel. Les partis, mouvements politiques, le gouvernement, tout le monde a été littéralement soufflé par ce surgissement inattendu d’un mouvement qui a réussi à agglomérer la jeunesse urbaine diplômée de Pïkine, de Parcelles, de Guédiawaye et la jeunesse urbaine des classes moyennes dakaroises. Dans la jungle de la gestion libérale, gangrenée par la corruption et le népotisme a surgi un mouvement, expression de la jeunesse urbaine qui s’oppose, à la compétition sociale entre les jeunes eux-mêmes, au « NO FUTURE » qu’on veut leur imposer.

Ce mouvement a constitué une réponse sociale et politique au système organisé des prébendes au travers des multiples agences pour l’emploi des jeunes créées par le régime, qui a siphonné littéralement tous les flux de capitaux de la coopération internationale et du budget national destiné à cette jeunesse urbaine.

Les errements d’un vieux gâteux et de son clan ont fait le reste, dans sa tentative de rapt électoral du 23 juin, qui l’a installé au cœur du débat démocratique.

Il reste que M 23 n’est pas toute la jeunesse.

Celle des ateliers mécaniques, de menuiserie métallique et bois qui par génération spontanée occupent l’espace public. Celle des marchands ambulants, qui harcèlent les automobilistes de marchandises « tombés » des containers du port de Dakar, des marchés de nuit de Colobane, Gueule Tapée, Grand Yoff.

Ce n’est pas non plus cette multitude de jeunes des écuries de lutte que l’on voit courir, défiler fièrement derrière leur champion à l’occasion d’un combat de lutte. Ces jeunes et ceux des quartiers de la médina à Dakar nous renvoient à l’échec des modèles de développement tant antérieurs, qu’actuels. Cette jeunesse-là, c’est celle de la misère de nos arrières cours (familiales et urbaines), à qui aucune perspective n’est offerte.

Il reste que dans les statistiques dont on peut disposer, ces jeunes sont inscrits sur les listes électorales, démontrant ainsi l’adhésion aux perspectives que peut offrir la démocratie : le pouvoir choisir ses dirigeants. Le paradoxe, c’est aussi qu’à force d’être marginalisée, cette jeunesse a fini par créer à ses marges une société parallèle avec ses codes, son langage, ses valeurs, d’individualisme, de consumérisme, de relativisme, apparaissant comme la nouvelle classe dangereuse, tout autant qu’elle montre une formidable appétence à l’engagement collectif.

Ce n’est pas non plus cette jeunesse rurale, pour ce qu’il en reste encore dans la campagne sénégalaise, hors du système scolaire moderne et de l’instruction publique et du maigre service public en milieu rural.

Mais le M23 en reste l’expression politique et sociale la plus aboutie. Dans ce contexte, l’opposition n’a jamais su avoir le bon positionnement vis-à-vis de ce mouvement. Elle s’en est même, quelque fois fait le porte parole. Confiant ainsi un rôle politique (au sens de candidat au suffrage universel) à un mouvement qui, par essence, est social (au sens d’organisation).

Le jour où le M23 prétendra au suffrage universel, il changera de nature. Les jeunes citoyens qui le composent feront certainement des choix politiques différents et adhéreront chacun à des organisations et partis politiques. Il ne faut pas lui prédire cet avenir, parce qu’il en a un autre autrement plus éminent, celui de VIGIE DEMOCRATIQUE, des promesses et engagements politiques des candidats à la présidentielle.

La faillite de notre système démocratique de représentation a atteint un tel point de non retour, qu’il nous faut inventer des outils de reconstruction d’un système de participation civique.

Le réalisme politique nous oblige à anticiper la décision à venir du conseil constitutionnel qu’elle quelle soit.

Pour gagner, l’opposition doit s’adresser à la jeunesse. Elle fera l’élection comme en 2000. Lui faire des propositions, lui offrir un programme, une perspective d’avenir.

Ils (ça fait référence à qui ou à quoi ce « elles ») doivent être soumis à la critique, à l’expérimentation sociale, discutés, amendés avec tous les jeunes. Tout le monde le sait, la jeunesse n’attend pas qu’on lui promette la lune. Il est fini le temps où il fallait réinventer le monde à chaque élection. Le Sénégal est un pays pauvre, sa richesse sera la qualité de son système éducatif et de formation.

L’investissement dans la qualification de sa main d’œuvre est le meilleur atout de notre pays.

La création musicale de la jeunesse sénégalaise est parmi les plus riches du continent. Il peut en être de même dans les autres domaines, de l’activité industrielle, de l’artisanat, des nouvelles technologies. A condition d’en créer les conditions de sécurité juridique, d’environnement des affaires et d’ingénierie financière.

Notre pays dispose de compétences avérées dans tous ces domaines sur le territoire national et dans sa diaspora.

On dira à notre jeunesse : SOYEZ REALISTES, DEMANDEZ L’IMPOSSIBLE. C’est à notre portée, à condition que Vous Moustapha, Ibrahima, Macky y croyez.

Babacar FALL babfall33@gmail.com

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